portrait
Francis Poulenc (Paris 1899-1963)
Sonate pour clarinette et piano (post.1962)

Entièrement formé hors du Conservatoire, pour la composition par Charles Koechlin et pour le piano par Ricardo Viñes, Francis Poulenc conquit d’emblée la notoriété autour de sa vingtième année, notamment avec ses Trois Mouvements Perpétuels pour piano et ses mélodies du Bestiaire inspirées par Apollinaire qui deviendra un de ses deux poètes d’élection avec Paul Eluard. Tous deux lui dicteront des choeurs et mélodies qui domineront son catalogue. Jusqu’à sa mort brutale, Poulenc aura mené une double et heureuse carrière de pianiste et de compositeur, le succès ayant toujours été au rendez-vous, que ce soit au concert avec ses oeuvres instrumentales (Sonate pour flûte), orchestrales (Sinfonietta) et concertantes (Concert champêtre) ou au théâtre avec ses ballets (Les Biches, Les Animaux modèles) et ouvrages lyriques (La voix humaine, Les Mamelles de Tirésias).
A la fin de sa vie, partagée entre le théâtre (Dialogues des Carmélites) et la musique sacrée, (Répons) Poulenc, après Debussy et Saint-Saëns, entreprit à son tour six sonates mais il mourut, lui aussi, n’ayant pu en terminer que trois ! Son inspiration d’essence vocale –il était avant tout mélodiste et polyphoniste- devait heureusement s’adapter aux instruments à vent comme en témoignent ses trois Sonates de jeunesse (pour deux clarinettes, pour clarinette et basson et pour trompette, cor et trombone), le Trio pour piano, hautbois et basson et le Sextuor avec piano auxquels on ajoutera l’émouvante et brève Elégie pour cor. De ses dernières Sonates conçues pour vent solo et piano, celles pour hautbois et pour clarinette, datées de 1962, seront posthumes et dédiées, l’une à la mémoire de Prokofiev, l’autre à la mémoire d’Arthur Honegger. Après un bref éclat de rire quelque peu forcé, le tempo initial prend un tour élégiaque justifiant l’indication Allegro tristamente. Empreinte d’une même atmosphère, la Romance se présente comme une véritable mélodie sans paroles, comparable à celles qui évoquaient la Seine ou les bords de Marne et dans lesquelles Poulenc disait «y aller de sa larme ou de sa note». Cette page est, à coup sûr, une de ses plus belles inspirations instrumentales. Après quoi, le rire gouailleur reprend le dessus dans l’Allegro con fuoco comme la vie qui continue, serait-ce après la mort d’un être cher ; ici Arthur Honegger qui fut, avec Darius Milhaud, l’une des figures de proue du Groupe des Six auquel appartenait, précisément, Francis Poulenc, les autres membres étant, rappelons-le, Georges Auric, Louis Durey et Germaine Tailleferre.
Contrairement à la plupart des créateurs, Poulenc n’aura pas connu après sa mort le traditionnel «purgatoire».

Texte de Frédéric ROBERT en collaboration avec Marie-Astrid ARNAL et Thierry BESNARD